L’héritage spolié

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L’héritage spolié

 

Durant la campagne électorale de 1962, le chef du parti libéral du Québec, M. Jean Lesage, a proposé une nationalisation de nos ressources produisant de l’énergie électrique; c’était une élection référendaire sur le thème « Maîtres chez nous ». Les résultats électoraux ont donné un mandat clair au gouvernement pour nationaliser nos ressources. Quarante ans plus tard, un autre gouvernement libéral, sous la gouverne de M. Charest, a décidé de vendre notre sous-sol à des compagnies pour une bouchée de pain; c’était une privatisation de tout notre territoire souterrain sans débat public.

 

Nous ignorions tout de ces cachotteries faites derrière des portes closes. Dans un texte publié le 4 septembre 2010, le journaliste Charles Côté de La Presse nous apprenait que les « claims » du sous-sol des basses-terres du Saint-Laurent avaient été cédés à des gazières pour la ridicule somme de 0,10$/ha. par année.[1] À titre de comparaison, il nous annonçait que la Colombie-Britannique, avec son système d’enchères, avait vendu les siens à 1 000,00$ pour chaque hectare, parfois plus.

 

Le MERN (Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles) a « vendu » tout le sous-sol de la vallée du Saint-Laurent à un dix millième (1/10 000) de la valeur marchande! Que s’est-t-il passé? Dans la vieille loi des mines promulguée vers 1880, le prix des « claims » était de 0,10$/ha par année. Un ancien ministre délégué aux mines, M. Raymond Savoie, connaissait cette information que 99 % des Québécois ignoraient. Alors, lorsque les nouvelles techniques de fracturation hydraulique ont fait leur apparition au tournant du 21e siècle, les schistes contenant un peu de gaz pouvaient désormais être exploités commercialement, comme au Texas ou en Pennsylvanie. Comme des requins qui sentent le sang d’une proie facile, M. Savoie et les membres de l’APGQ (Association pétrolière et gazière du Québec) se sont rués pour acheter tout le sous-sol sous nos pieds entre 2006 et 2010, mais au prix de 1880.

 

En coupant la poire en deux, soit en utilisant le prix de 500,00$/ha, le rapport officiel du BAPE # 273 nous dit que le manque à gagner est de 5 milliards de dollars.[2] Avec ces 5 milliards dans nos coffres, est-ce qu’on aurait pu éviter la politique d’austérité qui a amené toutes les coupures désastreuses des années 2014-2016?

 

Alors la question se pose : pourrait-on reprendre les « claims »? Pourrait-on redevenir propriétaire du sous-sol de notre territoire? Après tout, la dénationalisation de ces ressources énergétiques s’est faite en catimini, sans débats publics dans la première décennie du 21e siècle. Remarquez que les gazières, membres de l’APGQ, pourraient peut-être se laisser tordre le bras et nous les revendre au prix du marché. QUOI! En utilisant des informations inaccessibles à 99 % des québécois, vous avez acheté les permis d’exploration au prix de 1880 et, dix ans plus tard, vous voulez nous les revendre au prix de 2018!!!  Et pour démontrer leur statut de maîtres de notre territoire, ces compagnies nous menacent de poursuites judiciaires.[3] Qui sont les véritables propriétaires de la vallée du Saint-Laurent? Huit millions de Québécois ou quelques compagnies majoritairement de l’Alberta?

 

Imaginons une situation comparable. En utilisant des informations contenues dans des clauses d’une vieille loi aussi obscure que désuète, un spéculateur exproprie une ferme dans la région de Saint-Hyacinthe au prix de 1880. À l’époque, cette ferme de 100 arpents valait peut-être mille dollars. Aujourd’hui, une ferme dans les argiles de Sainte-Rosalie vaut entre 8 000,00$ et 15 000,00$ par arpent. Achetée pour 1000$, sa valeur marchande actuelle dépasse le million. Pire, en achetant cette ferme au prix de 1880, le spéculateur dépossède les propriétaires actuels. Et ceux-ci devraient verser au « crosseur » la somme d’un million pour reprendre possession de leur patrimoine. Toute une arnaque!

 

Notre territoire, incluant notre sous-sol, doit être la propriété de 8 millions de Québécois. Lorsqu’une personne veut acheter un lot pour se bâtir une maison, elle paie son lopin de terre au prix d’aujourd’hui à l’ancien propriétaire légitime. Mais selon la vielle loi des mine,[4] le sous-sol appartient à l’État; celui-ci peut le céder à un tiers selon certaines modalités qui reflétaient la réalité économique de 1880. C’est notre héritage à tous qui a été confisqué au profit des gazières, majoritairement des compagnies albertaines.

 

Autre question. Comment se fait-il que ni nos sous-ministres, ni nos fonctionnaires, ni nos ministres n’ont tiré la sonnette d’alarme? Tout citoyens a la responsabilité de dénoncer une situation absolument injuste! Est-ce qu’il faudrait une commission Charbonneau pour faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé?

 

C’est un problème de justice élémentaire qui doit rejoindre tous les Québécois qui ont été spoliés. « Donner » les claims au prix de 1880, est-ce bénéfique pour l’ensemble des 8 millions de Québécois?  Au delà du débat au sujet du bien-fondé de développer ou non la filière du gaz de schiste, il y a la dépossession d’un héritage qui devrait appartenir à tous les Québécois; l’absence de débat sur la place publique rend cette dépossession illégitime.

 

Ce débat au sujet de la propriété de notre sous-sol doit avoir lieu durant la campagne électorale. C’est pourquoi j’exige que le PLQ, la CAQ, le PQ et QS se prononcent sur le bien-fondé de ce « Maîtres chez nous » avec la même clarté et la même légitimité qu’en 1962.

 

Gérard Montpetit

La Présentation, Québec.

Le 23 août 2018

 

1] http://www.lapresse.ca/actualites/elections-federales/enjeux/environnement/201009/03/01-4312621-gaz-de-schiste-a-t-on-manque-le-bateau.php

2] Rapport du BAPE # 273, page 201

3] ] https://www.ledevoir.com/societe/environnement/534915/interdiction-de-la-fracturation-les-gazieres-veulent-poursuivre-quebec

4) Loi des mines de 1880

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